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Les Magasins Réunis à Nancy de la famille Corbin, un manifeste Art Nouveau

La prochaine escale est la ville de Nancy, épicentre de l'Art nouveau, où nous partirons à la découverte des Magasins Réunis. Initiée par Antoine Corbin, cette ancienne chaîne de grands magasins reflétait le mouvement artistique en vogue de l'époque. Découvrons son histoire.

Les Magasins Réunis ont grandement œuvré dans la promotion du manifeste Art nouveau par son architecture et de par le monde de commercialisation des œuvres.

Une idée du collectionneur passionné et à la fois grand homme d’affaires français Eugène Corbin, lui-même fils du fondateur des Magasins Réunis « Antoine Corbin ».

Établi sur plus de 12 000 m² de surface, le magasin de Nancy demeurait le plus grand magasin de province jusque dans les années 1965.

Une domination du marché qui se traduit par son rôle majeur dans la diffusion du style Art nouveau en plus de la diversité et qualité du service proposé.

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Installation des Magasins Réunis à Nancy, un concept faisant suite à la guerre franco-allemande de 1870 à 1871

Nous sommes le 10 mai 1871 quand la signature du « Traité de Francfort » met fin à la guerre franco-allemande. Une partie de l’Alsace-Lorraine est alors annexée par l’Empire Allemand.

À l’époque, de nombreux Alsaciens-Lorrains ont voulu conserver leur titre de résident français en restant à Nancy avec les membres de leur famille.

C’est ainsi que la cité ducale est devenue le premier point d’accueil de toutes les personnes qui souhaitaient y vivre.

Cette arrivée en masse a fait l’objet d’une importante croissance démographique.

En effet, la ville de Nancy est passée de 53 000 habitants (1872) à près de 120 000 en 1911.

Elle s’est vite imposée comme la capitale de l’est de la France, à seulement quelques mètres de la nouvelle frontière créée par l’Allemagne.

En l’espace de quelques années seulement, Nancy s’est transformée en un vaste marché de consommation, connaissant une expansion urbaine remarquable.

Avec l’émergence de nouveaux quartiers et l’élargissement des avenues dans diverses parties de la ville, Nancy s’est établie comme une destination de choix pour ceux à la recherche de nouveautés.

Le centre-ville, en particulier, s’est mué en un carrefour de rencontres, entouré de cafés et brasseries florissants. C’est dans ce contexte vibrant que les célèbres Magasins Réunis de Nancy ont été inaugurés.

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Par Auteur inconnu — http://nancybuzz.fr/histoire-magasins-reunis-au-printemps-nancy/, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=70530178

Les Magasins Réunis de Nancy, l’histoire d’une entreprise familiale, celle d’Antoine Corbin

On attribue le mérite de la création des Magasins Réunis de Nancy à la famille d’Antoine Corbin.

Homme d’affaires né à Nancy dans les années 1835, Antoine Corbin a eu la brillante idée d’ouvrir son premier magasin en 1867.

Il se trouvait sous la porte Saint-Nicolas, une porte de Nancy construite au début du XVIIe siècle, et s’intitulait « Bazar Saint-Nicolas ».

Ayant comme source d’inspiration les services parisiens de l’époque, le magasin d’Antoine Corbin proposait différents types de marchandises à des prix fixes et transparents dans une pièce où le tout le monde pouvait entrer et sortir à sa guise.

À la grande surprise de son fondateur, l’espace du magasin est rapidement devenu trop étroit pour accueillir la foule de clients.

1883, il décide de faire acquisition des bâtiments sis à l’angle de l’avenue Foch et de la rue Mazagran de nos jours. Juste en face de la gare de Nancy.

Antoine Corbin portait en lui une vision révolutionnaire : transformer un quartier en un pôle célèbre et développé en un temps record.

C’est alors qu’il prit la nouvelle décision d’acheter les immeubles attenants des bâtiments qu’il venait d’acquérir pour y accrocher le nom « Magasins Réunis » en 1890.   

Ce nom, il l’avait repris à un grand magasin édifié à Paris dans les années 1866, sur la place de la République de nos jours.

1894, la construction d’une marquise par Lucien Weissenburger a été réalisée. Cette dernière visait à relier la façade des deux immeubles.

Après le décès d’Antoine Corbin en 1901, sa chaîne de magasins continua à prospérer, en partie grâce à son fils cadet Eugène Corbin qui continuait les extensions.

Voici une liste des services proposés par les Magasins Réunis de Nancy :

  • L’optimisation des techniques de développement en faveur de l’industrie de la Mode et la valorisation de la publicité de Mode ;
  • La bijouterie des Réunis ;
  • Le rayon des jouets pour les plus petits ;
  • L’espace « restauration » ;
  • Le service postal et la création de cartes postales ;
  • La vente d’équipements militaires et de distinctions honorifiques ;
  • Le rayon deuil ;
  • Le rayon « chasse et pêche » ;
  • Le rayon « papeterie et livres » ;
  • Le rayon « habits et literies ».

Ce succès s’est concrétisé par l’association des Magasins Réunis d’Eugène Corbin aux groupes Paris France et aux nouvelles Galeries.

Ensemble, ils ont construit un grand magasin dans la ville de Strasbourg, sur la Place Kléber : les Magasins Modernes.

Le rôle de l’architecture Art nouveau des Magasins Réunis dans la promotion de l’École de Nancy

À l’origine, les immeubles Magasins Réunis n’étaient pas destinés à revêtir le style Art nouveau.

En 1894, Antoine Corbin fait appel à l’architecte Lucien Weissenburger pour construire ses magasins.

Pour cela, il mise sur un décor digne d’un grand magasin, avec une architecture dans le style néoclassique, symétrique et à la fois ordonnée, et une structure métallique élevée sur des poteaux en fonte.

L’édifice était entièrement revêtu de pierre de taille et de vitre, donnant une illusion de masse imposante qui se démarquait des façades des magasins environnants.

Antoine Corbin avait également opté pour une entrée pittoresque sublimée d’une marquise en ferronnerie prenant la forme d’un arc de cercle.

À l’ensemble, il avait tenu à ajouter une tourelle d’angle mettant en valeur une sculpture en bronze à l’effigie du dieu du commerce « Mercure ».

À sa mort en 1901, Antoine Corbin lègue son magasin en héritage à son fils Eugène Corbin.

Désormais à la tête de l’entreprise familiale, il avait à cœur de poursuivre les projets de son père et hisser les Magasins Réunis au rang de grand magasin jamais existé dans la région Grand Est.

Durant cette même année, l’Alliance provinciale des industries d’art ou plus simplement l’École de Nancy voit le jour.

Par son biais, un groupe d’artiste, d’architectes et d’industriels originaires de Nancy s’associent pour innover les techniques de création artistique lorraine.

Pour distinguer leur art, ils s’appuient sur l’esthétique des lignes courbes de l’Art nouveau déjà célèbre partout en Europe, de Milan à Vienne, en passant par Glasgow et Bruxelles.

En bon amateur et collectionneur d’art, Eugène Corbin se laisse séduire par le mouvement Art nouveau qui commençait à laisser des empreintes dans la vie des Nancéiens.

Les grands magasins à l’instar des Magasins Réunis ont été choisis pour être les catalogues du mouvement artistique Art nouveau.

Un concept qu’Eugène Corbin a tenu à honorer en ajoutant neuf nouvelles travées à la façade principale de son magasin entre l’an 1905 et 1910.

Élevé juste en face de la gare de Nancy, ce chef-d’œuvre se compose de hauts-reliefs en bronze du légendaire Alfred Finot.

L’Art nouveau exprimé sur les façades des Magasins Réunis de Nancy est aussi unique pour les cariatides en bronze faites par le talentueux peintre Victor Prouvé.

Toujours dans le but de valoriser le style Art nouveau, une nouvelle entrée a été créée à l’angle de la rue Poirel, sur la Place Saint-Jean.

Composé de placage métallique, cetteœuvre d’art se distingue par son allure en forme d’ailes de papillon et son encadrement en grès émaillé. 

Pour la déco intérieure des magasins, Eugène Corbin s’est confié aux artistes de l’École de Nancy, dont :

Jules Cayette pour les sculptures en bronze ;

Jacques Grüber pour les vitraux ;

Louis Majorelle pour les luminaires…

Des choix qui ont fait d’Eugène Corbin, un véritable promoteur du travail des artistes membres de l’École de Nancy.

Vers la disparition de l’empire des Réunis au profit du Printemps (Troyes, Lunéville, Nancy…)

Le 16 janvier 1916, un incendie est déclaré dans l’enceinte du grand magasin de Nancy. Selon les dires, il s’agissait d’un simple accident, sans doute causé par un court-circuit électrique.

En l’espace d’une nuit, le beau bâtiment a été réduit en cendre. Tout ce que le feu n’a pas détruit, l’eau s’en est chargée.

Le bilan fut catastrophique.

En plus du grand magasin, un immeuble privé que la famille Corbin ne parvenait pas à acheter a également été détruit par le feu.

Pour se remettre après cet incendie dévastateur, Corbin se lance dans la location de nouveaux espaces de vente à titre temporaire.

Peu à peu, la maison Corbin se détourne du courant artistique Art nouveau. Une préférence influencée par l’apparition de nouvelles tendances artistiques.

Cet ancien promoteur de l’École de Nancy a également aidé dans l’introduction de l’art moderne à Nancy.

En 1925, des travaux pour la reconstruction du grand magasin sont menés.

Eugène Corbin, voulant rompre toute collaboration avec l’École de Nancy, confie son projet de réhabilitation à un architecte du nom de Pierre Le Bourgeois.

En tant que spécialiste du béton armé et de la technique Hennebique, celui-ci lui propose de bâtir une structure porteuse en béton armé ornée de façades fermées avec des panneaux métalliques à l’ancienne vitrine du style Art nouveau nancéien.

Malheureusement, l’instabilité constatée au sous-sol mène à l’effondrement d’une grande partie du magasin en béton armé.

Et ce, peu de temps avant sa seconde inauguration qui devait se tenir le mois de décembre 1926.

Finalement, le magasin rouvre ses portes en 1928. Cette fois-ci dans le style Art déco.

Dans son idée de développer un maximum son magasin familial, Eugène Corbin voit les choses en grand et décide de s’implanter dans la capitale française « Paris ».

Il commence avec l’acquisition de l’établissement de l’Économie ménagère, situé à l’angle de l’avenue des Ternes et de l’avenue Niel à Paris, qu’il rebaptise « Magasins réunis Étoile ».

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Il installa également son magasin « Magasins réunis-République » à l’endroit où se trouvait le premier centre commercial de Paris avant de racheter le Grand bazar de la rue de Rennes à Montparnasse.

1955, le grand Magasin s’allie avec le groupe Paris-France pour donner naissance aux magasins Parunis à Paris, au Havre, mais aussi à Lens.

Mais, c’était sans compter les crises de 1970 et la vulgarisation de la grande distribution venue freiner le succès des grands magasins.

1980, les Magasins réunis sont contraints de s’affilier au Printemps, l’entreprise française qui œuvre dans l’exploitation des grands magasins.

Trois ans plus tard, en 1983, le nom Magasins Réunis est tombé dans les oubliettes. Le magasin de Nancy est devenu « Printemps/Fnac ».

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